inconsciente. incapable. la matinée bien débutée. et la gorge complètement nouée. la bulle s'est brisée. la réalité vient de te gifler. tu t'es absentée trop longtemps. plus que tu n'aurais dû le faire. l'esprit vagabond. pas un signe de rébellion. simplement de l'inconscience. t'étais bien. avec adem. bien mieux que seule dans l'appartement. peut-être mieux qu'avec dwight. mais les contes ont toujours une fin. et le bonheur, lui, n'a jamais été à porter de tes mains. cendrillon vient retrouver sa main. d'un pas qui n'est pas décidé. tu traînes des pieds. au fond, tu sais déjà ce qui t'attend. tu sais qu'il t'attend. naïvement, tu espères qu'il n'est pas encore rentré. naïvement, tu espères qu'il ne posera pas de questions. il n'est pas venu au club. c'est ce qu'adem t'a rapporté. alors, où ? où était passé dwight après les coups tombés ? t'en sais rien. tu n'en as aucune idée. parce que dans l'fond, tu ne le connais peut-être pas assez. alors, tu espères. encore.

tu te trompes, frances.
c'est sous-estimer le démon.

y a les clés qui viennent ouvrir la porte d'entrée. les volets toujours tirés. le silence. l'odeur de la nicotine. les talons claquent sur le parquet. tu retires tes chaussures d'un geste précipité. viens alléger tes pas pour te rendre plus discrète. l'espoir toujours aux bords des lippes. t'avances. doucement. pour ne pas te faire remarquer. s'il dort. s'il n'est pas là. c'est ce que t'espères. jusqu'à ton arrivée au salon. jusqu'à ce bon que tu fais. jusqu'à discerner sa silhouette. dans l'ombre. une cigarette entre les lèvres. et ce silence qui s'installe. t'es qu'une enfant quand t'es face à dwight. une gamine haute comme trois pommes. les jambes qui vacillent. ton état qui devient fébrile. tes doigts se mettent déjà à trembler. et la boule au fond de ta gorge s'amplifie pour descendre jusqu'à ton estomac. t'as la nausée, frances. la peur qui te prend. le regard terrifié qui n'ose l'affronter. j'suis désolée. j'voulais passer au sherry butt pour faire un peu de ménage. y a encore la marque des heures passées. la lèvre légèrement enflée. le trace violacée dans ton cou. y a ces fichues traces que tu n'as pas su masquer. tu lui en veux, à dwight. de t'avoir enfermée. tu lui en veux d'avoir fait de toi sa poupée.

ouais.
mais t'as pas le caractère pour assumer.
ouais.
mais tu lui dois bien ça.
parce que c'est lui qui t'a sauvée.

j'vais aller dormir un peu. t'en as besoin. parce que t'es exténuée. une nuit passée à pleurer. et un début de matinée que tu n'oses avouer. non. il ne doit pas savoir, dwight. il ne doit jamais savoir que t'étais avec adem. que t'étais avec un autre que lui. ou un client. ta veste que tu laisses traîner sur le canapé. t'es déjà prête à te diriger vers ta chambre. l'échine courbée. toujours incapable de l'affronter. même au levé. même lorsque les esprits seront moins échauffés.

il lui a pas fallu cinq minutes pour comprendre qu’elle s’était volatilisée frances.
elle est toujours là frances quand il rentre, c’est son job. elle est censée rester ici, c’est même pour ça qu’il l’avait enfermé dwight. ce qu’il pouvait faire importait peu, c’était jamais mémorable. alors, quand ses pas se sont couverts d’un silence pressant, il a paniqué dwight. il a rigolé pendant trois bonnes minutes en chuchotant un « quelle pute ». il a fait toutes les pièces, la chambre en premier lieu, puis la salle de bain. il craignait pas qu’elle aille chez les flics frances.
elle était pas là, c’est tout.
c’est comme si les coups glissaient de son cou jusqu’à sa poitrine. peu importe. elle avait plus peur de lui frances, elle serait restée là sinon. c’était le plus sage et le plus avisé. il a donné un coup de pied dans la première chaise qui lui est venue. et puis il s’est assis en cherchant une explication, les deux mains sur les tempes. il a voulu l’appeler, un milliard de fois au moins, mais c’était pas à lui d’le faire.

il sait pas pourquoi il rit et pourquoi il manque de pleurer, de haine, de rage. frances c’est pas n’importe quelle fille. c’est pas remplaçable, c’est pas juste une fille qui accepte d’écarter les cuisses pour ses beaux yeux quand il le demande. il a pas à marchander pendant des heures quand c’est elle. frances c’est son bijou qu’il a taillé tant bien que mal. c’était pas bien dur. à eux deux, il y avait de quoi se foutre une balle. il pouvait pas avoir de scrupules dwight, sa mère était une prostituée toxico, ça l’a pas empêché de la pleurer pendant deux longues semaines quand elle a cassé sa pipe. il s’est pas posé la question, de savoir si c’était moral ou non. et il l’aime frances, l’un n’empêche pas l’autre. alors faut qu’elle soit parfaite, qu’elle attire toutes convoitises même s’il en crève de jalousie.

alors il attend dwight, il sait qu’elle va revenir, il y a toutes ses affaires, il y a toute sa vie ici. il est sûr de lui dwight, qu’elle est encore sous sa coupe. n’empêche qu’elle se pointe quand même, deux heures plus tard, l’air de rien, comme si tout était parfaitement normal. l’audace alors qu’il la dévisage depuis le pas de la porte et qu’elle ose pas l’regarder en retour. elle sait qu’elle est fautive frances. elle sait que ça peut basculer, encore, à tout moment. qu’il est pas obligé de se contenter des ecchymoses autour de son cou. et quand il voit ça, ça l’agace dwight parce qu'il s’demande où est passé sa putain d’autorité.
un peu de ménage ? ici c’est pas suffisamment dégueulasse ?
il y croit pas un mot, dwight aurait trouvé quelque chose pour l’excuser, c’est ce qu’il fait toujours. faut croire que tout le monde apprécie frances au sherry butt. de là à y retourner, à désobéir, pour passer un coup de serpillère c’est too much. il écrase sa clope dans le cendrier, il y a déjà tout un cimetière là-dessous. des cendres fumantes. il a quasiment vidé la moitié d’un paquet depuis deux heures.

il s’lève, un peu plus lourd, il s’est enfilé aucune bière, il a pas besoin de rien pour vriller dwight. il a besoin de rien pour cogner le plus fort. et lui aussi il se dirige vers la chambre, prêt à s’engouffrer dans le petit couloir qui y mène. tout au plus pour l’empêcher de passer.
j’vais pas t’le demander deux fois frances, tu l’sais, t’étais où et avec qui ? il y a forcément un qui là-dessous, il y en a toujours un qui pour lui tourner autour t’façon. du moment qu’il paie ça lui va dwight. il tolère, après, un peu plus tard. il est encore calme dwight, il a pas la voix qui porte très loin mais la question irrite son épiderme. et frances, elle ira pas dormir tant qu’il a pas les réponses à ses questions. c’est le moins qu’elle puisse faire. il plante ses ongles dans sa mâchoire, pas fort encore, mais il y a de l’empressement dans ses gestes, la rage qui bouillonne dans chacun de ses muscles.
un parfum qui n’a rien à foutre là, un parfum de mec mais certainement pas le sien.
il dit rien.
j’te jure que j’vais pas m’énerver si tu m’dis la vérité.

tu n'as jamais été du genre à désobéir, frances. tu suis à la lettre ce que dwight t'impose. depuis de nombreuses années. t'as toujours fait comme il voulait. pour ton bien. pour te protéger. et pour le rendre fier. parce que c'est ce que tu voudrais, toi. qu'il te trouve parfaite. qu'il puisse te pardonner tes erreurs. tes faux pas. tes maladresses. dwight, il est toute ta vie. dwight, il est celui à qui tu dois tout. dwight, il est ton ombre. mais aussi ton démon. mais ce soir, t'en as décidé autrement. ne pas rester sagement enfermée. ne pas rester à ne rien faire. t'as eu besoin d'air, frances. t'as eu besoin de voir autre chose que ces quatre murs qui t'entourent. cette cage dorée qui te donne de plus en plus la gerbe. t'as pas cherché à comprendre. t'as pas cherché à peser le pour et le contre. t'es juste partie. t'as quitté le loft. et tu t'es évadée. bien plus que tu ne l'aurais espéré. bien plus que tu n'aurais dû le faire, peut-être.

alors, y a cette boule dans le creux de ton ventre. cette peur qui te prend aux tripes quand tu viens ouvrir la porte de l'appartement. tu aimes à penser que ton escapade est passée inaperçue. tu voudrais que dwight ne soit pas encore rentré, lui non plus. mais tes espoirs s'envolent bien trop rapidement. sa silhouette qui se dessine dans l'ombre. les rayons du soleil à son zénith qui traversent les volets encore fermés. l'odeur de la nicotine qui vient titiller tes narines. pas de doute.
le démon est là.

tu n'oses pas le regarder, frances. tu n'oses pas t'en approcher. parce que les coups, tu les connais. parce que ta lèvre, elle n'a pas encore eu le temps de cicatriser. t'as fauté. t'as pas géré. et toi, t'es incapable d'assumer. y a cette excuse que tu marmonnes. l'absolue vérité. tu voulais y faire le ménage, au sherry butt. c'est pour ça que tu y es allée, dans un premier temps. et finalement, les choses ont dérapé. et ça, ce n'était pas calculé. alors, y a son regard que tu évites. et la fatigue qui s'impose. tu n'as pas envie de te justifier. tu n'as pas envie de lui mentir. ni même de lui dire la vérité. t'étais bien, avec adem. la distance que tu avales pour retrouver la chambre. mais dwight, il ne le voit pas de cette façon. j'étais au sherry butt. tu confirmes. tu insistes. ses empreintes qu'il laisse sur ton épiderme. la mâchoire serrée entre ses doigts. dwight ne lâchera pas le morceau. et toi, tu dois rester suffisamment forte pour l'affronter. pour omettre cette vérité. tu sais qu'il ment. tu sais qu'il n'appréciera pas. de te savoir avec un autre que lui. de te savoir avec un autre qu'un client. dwight, il ne comprend pas. il ne veut pas de ça. t'es à lui. et lui n'est pas à toi. un soupire s'échappe alors que ses doigts viennent te serrer un peu plus. une grimace qui vient étirer ton faciès.

t'as jamais su mentir, frances.
sûrement qu'il ne te croit pas.

mais adem. le blond. tu ne veux pas lui attirer les foudres de dwight. y a cette soudaine envie de le protéger. de cette vérité qui te fait trembler. ton coeur qui s'emballe. ton regard qui évite toujours le sien. c'est la vérité. tu insistes. le supplie presque de te croire. de ne pas chercher plus loin. c'est mal le connaître. c'est mal le considérer. mais encore fois, tu espères. tu espères un chemin vers la rédemption. une vie meilleure.

et le qui ?
tu n'y réponds pas, frances.
parce que tu ne peux pas lui dire.