trois années, quasiment jour pour jour, que tu n'avais pas mis les pieds à spring branch. trois années à éviter. à tout faire pour ne jamais revenir. trois années à refuser les invitations de tes parents aux repas de famille. à esquiver. à prétexter travailler. ou encore, une maladie fictive d'ashton. repoussant encore et toujours l'échéance. revenir. prendre le risque de le revoir. prendre le risque de tout faire éclater. ton secret. ton couple. ton coeur. tu ne pouvais pas. mais aujourd'hui, tu n'as plus le choix. tu ne peux vivre avec des regrets. ceux d'une mère malade. ceux d'un adieu que tu n'aurais pu faire. tu t'es fais violence, shiloh. tu prends le risque. et te voilà de retour dans ta ville natale.

tes talons claquent contre le sol. seulement quelques heures que tu es là, et tu reprends déjà de vieilles habitudes. ashton dans les bras. trop feignant pour marcher. ou plutôt, trop déconcerté par cette nouvelle vie. tu sais exactement où tu vas. le chemin que tu n'as pas oublié. ce lieu où tu as passé tellement de temps. là où tu as fais quelques extras, un job lorsque tu étais étudiante. là où tu te sentais bien. comme s'ils avaient été ta seconde famille. c'était le cas, bien sûr. c'était là où était ta place. tu as promis à kingsley de venir. tu lui as promis de lui présenter ashton dès que tu viendrais à spring branch. tu t'attends à sa surprise. ton confident. le seul qui sait vraiment. qui sait que asher est le père de cet enfant. qui sait que tu t'es mariée précipitamment. le seul qui te comprend réellement. y a quand même cette appréhension. la peur au ventre. une boule qui te noue la gorge. tu pousses la porte du drunken duck.

il est bien trop tôt pour que le bar soit bondé. tôt, comme un matin ensoleillé. tôt pour qu'une femme et un enfant de deux ans viennent y traîner. pas votre place. pas là où tu devrais emmener ashton. mais peu importe. tu imagines que bobby doit être en plein ménage. ou occuper à ne rien faire. tu imagines qu'il aura tout le temps nécessaire pour parler avec toi. pour découvrir ashton, son neveu. une silhouette derrière le bar. le dos tourné. le gamin toujours dans tes bras. ta bague avec laquelle tu joues. signe d'un état anxieux. signe que tu le sens, shiloh. tu ne devrais pas être là. y a le son de la porte qui se ferme. et celui que tu penses être l'oncle de ton fils qui se retourne. stoppée dans ta progression. le corps comme paralysé face à l'homme qui se tient devant toi. asher. tu clignes plusieurs fois des yeux avant de réussir à reprendre ta respiration. tu clignes plusieurs fois des yeux avant de réussir à faire le moindre mouvement. il est là. devant toi. toujours vivant. et c'est qu'il a presque l'air en pleine forme. outre sa mauvaise mine matinale. tu te souviens qu'il déteste se lever tôt. outre quelques hématomes ici et là. outre son teint pâle.

peut-être parce qu'il pense voir un fantôme.
faut que tu parles, shiloh.

salut. quelle conne. autre chose que ça, shiloh. tu reprends finalement tes esprits. petit à petit. le mot que tu arrives enfin à articuler. ashton se débat. il cherche à reprendre le contrôle de ses mouvements. et toi, tu le gardes précieusement contre toi. ils ont le même regard. ils ont les mêmes cheveux. et cette même tâche de naissance sur l'épaule gauche. ils se ressemblent beaucoup trop.